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En Suisse, les employeurs se sont toujours montrés prudents mais pragmatiques face aux nouveaux modèles de recrutement. Tandis que les marchés mondiaux accélèrent vers un recrutement dopé par la technologie, la Suisse avance avec justesse, privilégiant des pratiques durables, centrées sur l’humain, plutôt que des bouleversements rapides.

Mais un basculement semble désormais inévitable.

Le recrutement, tel que nous l’avons connu, cède la place au Talent Acquisition. Et ce dernier pourrait bientôt être supplanté par une approche encore plus sophistiquée : le Talent Engineering — un modèle pensé non seulement pour les recruteurs, mais aussi pour les managers et les candidats eux-mêmes. Avec l’IA, les portefeuilles de données et la collaboration humain+technologie en première ligne, la question n’est plus de savoir si ce changement va arriver, mais si la Suisse est prête à l’accueillir.

Du Recrutement ➡ Talent Acquisition ➡ Talent Engineering

Décryptons :
Recrutement moderne (1900–1990)
Processus : piloté par l’humain
Système : classeurs et archives papier
Alimenté par : CV papier
Conçu pour : les employeurs
Fondé sur : « qui vous connaissez »
Échelle : locale et lente

Talent Acquisition (1990–2025/30)
Processus : piloté par l’humain, assisté par la tech
Système : ATS + CRM + SaaS
Alimenté par : Internet + CV numériques
Conçu pour : les recruteurs
Fondé sur : « ce que vous dites »
Échelle : mondiale mais encore lente

Talent Engineering (2026–)
Processus : piloté par la technologie, détenu par l’humain
Système : intégrations universelles (SIRH, agents IA)
Alimenté par : portefeuilles IA, signaux de compétences
Conçu pour : candidats & managers
Fondé sur : « ce que vous faites »
Échelle : mondiale et rapide

Le concept de « Hiring Manager Self-Serve »

Que se passerait-il si les managers — pas seulement les recruteurs — pouvaient eux-mêmes sourcer, engager et présélectionner les candidats grâce au soutien d’agents IA ?

C’est la vision derrière les modèles de « self-serve » qui émergent aux États-Unis et au Royaume-Uni. Des outils permettent aux équipes de recrutement d’accéder directement à des viviers de talents, de filtrer les candidats selon leurs compétences et signaux (et non plus seulement via le CV), et d’automatiser des tâches comme la planification ou les références.

Ces outils ne remplacent pas les recruteurs — elles les repositionnent. Au lieu d’être des gardiens du processus, ils deviennent des facilitateurs, soutenant les managers et garantissant équité, conformité et adéquation sur le long terme.

Dans le contexte suisse, où les recrutements reposent souvent sur le consensus et un cadre réglementaire rigoureux, l’idée du self-serve peut sembler prématurée. Mais à mesure que la maturité digitale progresse dans les RH — et que la pression pour réduire le time-to-hire augmente — ce modèle mérite d’être sérieusement envisagé.

La Suisse est-elle prête pour le Talent Engineering ?

Le défi est clair : le Talent Engineering n’exige pas seulement de nouvelles technologies — il requiert un changement de mentalité, de rôles et de confiance.

Dans mon processus de planification prospective en 7 étapes, je commence toujours par un dézoom radical :


1️⃣ Recul maximal — quelle est la vue macro ?
2️⃣ Accepter la mortalité du secteur — qu’est-ce qui devient obsolète ?
3️⃣ Se concentrer sur les problèmes, pas seulement sur les solutions
4️⃣ Miser sur des hypothèses sûres sur le long terme
5️⃣ Ne pas se limiter aux normes comportementales actuelles
6️⃣ Intégrer les événements imprévisibles (Black Swan)
7️⃣ Tester ses scénarios auprès de personnes plus avisées que soi

Appliquées au recrutement, ces étapes montrent que le modèle actuel de Talent Acquisition pourrait ne pas répondre assez vite aux besoins futurs — notamment dans les industries comme la pharma, la finance ou la tech.

Le Talent Engineering pourrait combler ce vide, mais seulement si les organisations suisses acceptent de revoir la manière dont elles mesurent, facilitent et responsabilisent les décisions d’embauche.

Questions concrètes pour les employeurs suisses

  • Nos managers sont-ils prêts — ou disposés — à pratiquer le self-serve avec les bons outils ?
  • Nos recruteurs peuvent-ils évoluer d’un rôle de contrôle à un rôle de facilitation ?
  • Nos systèmes sont-ils assez intégrés pour soutenir une approche par portefeuille de talents ?
  • Nos cadres juridiques et réglementaires permettent-ils des décisions de recrutement plus agiles ?
  • Comment les outils d’IA s’aligneront-ils avec les valeurs suisses, la protection des données et la qualité ?

En conclusion

L’avenir du recrutement ne consistera peut-être pas à chercher toujours plus de talents, mais à concevoir des moyens meilleurs et plus rapides pour les trouver, les identifier, les reconnaître et les engager.

La Suisse n’a pas besoin de se précipiter. Mais elle doit se préparer.

Si le « Recrutement » était centré sur l’employeur et le « Talent Acquisition » sur le recruteur, le « Talent Engineering » sera centré sur le·la candidat·e et le manager. Cela soulève de nouvelles questions sur l’équité, l’objectivité et le contrôle — autant de points à clarifier avant de passer à l’échelle.

Les employeurs suisses, réputés pour leur précision et leur exigence de qualité, ont une opportunité unique : construire cet avenir avec la même rigueur qu’ils appliquent depuis toujours à leurs recrutements.

Alors, sommes-nous prêt·e·s ?
Tout dépend de qui pose la question… et de qui détient la réponse.

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