Soyons clairs : l’intelligence artificielle ne se contente plus de frapper à la porte du recrutement.
Elle s’est installée, prend part au processus, rédige des CV, génère des lettres de motivation, et prépare les candidats aux entretiens.
Et si vous êtes recruteur, RH, spécialiste Talent Acquisition ou manager en Suisse, vous voyez très bien de quoi je parle.
Sur notre marché — reconnu pour son exigence, sa rigueur et sa recherche de précision — cette nouvelle réalité soulève de vrais enjeux. Parce qu’ici, les notions de compétence, de fiabilité et d’adéquation culturelle ne sont pas négociables. Pourtant, nous assistons à une montée en flèche des candidatures « peaufinées » par l’IA, qui ne reflètent pas toujours les compétences réelles des personnes derrière l’écran.
Chez Jobprofile, nous le constatons au quotidien. Entre les candidat·e·s qui présentent une candidature parfaitement calibrée par IA, et les recruteurs qui reçoivent des profils tellement optimisés qu’ils en deviennent artificiels, une question cruciale émerge :
Comment continuer à recruter des personnes réelles, compétentes et authentiques dans un paysage façonné par l’IA ?
Pourquoi la Suisse est au cœur du sujet
La Suisse joue un rôle de premier plan dans l’essor de l’intelligence artificielle. Zurich est aujourd’hui le deuxième hub de talents en IA en Europe, et près d’un tiers des employé·e·s suisses utilisent déjà l’IA dans leur quotidien professionnel — bien au-dessus de la moyenne européenne.
Cette avance technologique s’accompagne d’un risque : celui de voir les processus de recrutement noyés sous des candidatures irréprochables… en apparence.
Et dans un pays où 65 % des recrutements dans l’IA passent par des réseaux ou des postes non publiés, il devient essentiel de savoir faire le tri.
Concrètement, comment faire la différence ?
1. Exiger des candidatures contextualisées et précises
Stop aux descriptions de poste génériques qui appellent des réponses toutes faites. Plus vos annonces sont vagues, plus elles invitent les candidat·e·s à utiliser des textes générés par IA.
➡️ Misez sur des questions qui exigent une vraie réflexion et une expérience vécue :
- Comment respecteriez-vous les exigences de la LPD dans un projet IA en santé ?
- Décrivez votre rôle exact dans un projet de mise en conformité réglementaire.
- Partagez vos contributions concrètes (ex. : liens GitHub, rapports, cas pratiques).
L’IA sait briller dans le général. C’est dans le spécifique qu’elle révèle ses limites.
2. Multiplier les étapes d’évaluation : l’oral ne ment pas
Une lettre de motivation parfaite ne garantit rien. Ce sont les échanges réels, les études de cas, les mises en situation qui font ressortir les vraies compétences.
Chez Jobprofile, nous recommandons :
- Des entretiens structurés basés sur des scénarios
- Des évaluations techniques adaptées au poste
- Des tests psychométriques pour mesurer les soft skills humains
L’IA peut imiter les mots, pas l’expérience.
3. Valoriser la transparence
Plutôt que d’ignorer le sujet, abordez-le frontalement : « Avez-vous utilisé un outil d’IA pour préparer votre candidature ? Si oui, comment ? »
Cette simple question permet de distinguer :
- Ceux qui utilisent l’IA comme un complément intelligent
- De ceux qui s’en servent comme substitut de compétence
La transparence, la lucidité sur ses outils et ses limites : c’est précisément ce que les employeurs suisses valorisent.
4. Vérifier les compétences : la technologie à votre service
Les faux diplômes ne datent pas d’hier. Mais avec l’IA, leur fabrication devient plus simple que jamais.
C’est là que les credentials vérifiables (VC) prennent tout leur sens. Certaines plateformes permettent déjà aux écoles, universités ou organismes d’accréditation de délivrer des certifications infalsifiables via la blockchain.
Dans les secteurs réglementés (santé, finance, tech), cela devient un outil de fiabilité incontournable. Et en Suisse, où la vérifiabilité est une attente de base, c’est une évolution naturelle à intégrer dans vos ATS.
5. L’IA n’est pas un recruteur : gardons du jugement humain
L’IA peut trier, classer, faire gagner du temps. Mais elle ne remplacera jamais le discernement d’un recruteur expérimenté.
L’évaluation humaine reste centrale pour :
- Détecter la cohérence d’un parcours
- Évaluer les valeurs, l’intégrité, le potentiel
- Lire entre les lignes
Un bon recruteur saura repérer un discours trop parfait, un ton plat, un storytelling sans aspérité.
Formez vos équipes à reconnaître ces signaux faibles : c’est désormais une compétence en soi.
6. Respecter le cadre légal : une exigence suisse
La Suisse applique un modèle juridique fondé sur des principes — ce qui ne veut pas dire qu’il est souple. La nouvelle Loi suisse sur la protection des données (nLPD) et le Règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) vont impacter directement les pratiques RH.
Les employeurs doivent :
- Réaliser des analyses d’impact sur les droits fondamentaux (FRIA) de vos outils d’intelligence artificielle
- Être clairs sur l’usage de l’IA dans les processus de recrutement
- Obtenir un consentement éclairé des candidats
- Éviter les outils opaques et non auditables
La conformité n’est pas un frein. C’est une opportunité de mieux recruter, dans le respect des règles… et des personnes.
Conclusion : recruter à l’ère de l’IA, c’est renforcer l’humain
Les candidatures générées par IA ne sont pas le problème. Elles sont le révélateur d’un recrutement trop souvent automatisé, superficiel et déconnecté du réel.
- En misant sur des évaluations pertinentes,
- En exigeant de la transparence,
- En vérifiant les compétences,
- Et en combinant IA et intelligence humaine…
…vous ne perdez pas l’authenticité. Vous la valorisez.
Chez Jobprofile, nous le voyons tous les jours : les entreprises qui trouvent cet équilibre recrutent mieux, construisent des équipes plus solides, et limitent les erreurs coûteuses.
L’IA est là pour durer. Mais l’humain aussi. Et ceux qui sauront conjuguer les deux avec exigence et lucidité, domineront le marché des talents en Suisse pour les années à venir.
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